L'holacratie et la sociocratie sont deux systèmes d'organisation qui cherchent à redistribuer le pouvoir de manière plus équilibrée et à donner une voix à chaque membre d'une organisation. Ces modèles ont été évoqués comme alternatives aux structures hiérarchiques traditionnelles, en raison de leur capacité à stimuler l'innovation, à renforcer l'engagement des collaborateurs, l'autogestion et à offrir une adaptabilité rapide aux changements du marché. Cet article vise à comparer et contrastuer ces deux approches pour éclairer leur fonctionnement, leurs avantages et leurs défis.
Origines et philosophie
Née au début du 21e siècle, l'holacratie a été développée par Brian Robertson, co-fondateur de Ternary Software. Il cherchait une manière de faire fonctionner son entreprise sans structure hiérarchique classique. L'holacratie est ainsi axée sur la définition claire des rôles et des responsabilités, en évitant toute centralisation du pouvoir.
La sociocratie quant à elle trouve ses origines au 20e siècle avec Gerard Endenburg, qui s'est inspiré de l'éducation sociocratique de son enfance aux Pays-Bas. La sociocratie mise sur la prise de décision par consentement et l'interconnexion des cercles de décision pour favoriser une meilleure communication et coordination.
Prise de décision
En matière de prise de décision, l'holacratie et la sociocratie se distinguent nettement dans leurs approches, bien que toutes deux cherchent à décentraliser le pouvoir et à inclure davantage de voix dans le processus dans une approche plus collective de la prise de décision.
L'holacratie structure sa prise de décision autour des rôles spécifiquement définis au sein de l'organisation. Chaque rôle est doté d'une "raison d'être", définissant son objectif principal, ainsi que de domaines d'autorité clairement établis et de responsabilités associées. Cela permet à chaque individu d'agir et de prendre des décisions en fonction de son rôle sans avoir besoin d'une validation constante de la hiérarchie. Cette approche décentralisée offre l'avantage d'une réactivité accrue face aux besoins émergents et aux changements rapides, car la prise de décision n'est pas entravée par des niveaux bureaucratiques multiples.
La sociocratie, quant à elle, mise sur le consentement comme fondement de la prise de décision. Plutôt que de rechercher un accord unanime, ce qui pourrait être chronophage et inefficace, la sociocratie vise à s'assurer qu'aucun membre n'a d'objection majeure à une proposition. Cela signifie que chaque décision est le résultat d'un processus où chaque voix est entendue et où l'harmonie est recherchée. Cette approche vise à éviter la marginalisation et à garantir que les décisions prises reflètent une perspective équilibrée et sont le fruit d'une réflexion collective.
Tout en adoptant des méthodes différentes, ces deux approches soulignent la nécessité d'inclure une diversité d'opinions et d'expertises dans le processus décisionnel, reconnaissant que les solutions les plus robustes et durables proviennent souvent d'une collaboration éclairée.
Structure et fonctionnement
Les modèles d'holacratie et de sociocratie, bien qu'axés sur l'horizontalité, se distinguent par leur manière de structurer et de fonctionner au sein des organisations.
L'holacratie est fondée sur une configuration très structurée. Elle définit des cercles opérationnels clairs, qui sont essentiellement des unités autonomes axées sur une fonction ou un objectif spécifique. Ces cercles ont leur propre hiérarchie interne, ce qui peut sembler contradictoire pour un système se voulant horizontal, mais cette hiérarchie est fluide. Elle change en fonction des besoins et des circonstances, permettant une adaptabilité constante. Au sein de ces cercles, les rôles sont définis avec précision, chacun ayant une "raison d'être" claire et des domaines d'autorité déterminés. Cette approche, tout en étant rigide, vise à garantir que chaque individu et chaque cercle sait exactement ce qui est attendu, tout en étant suffisamment flexible pour s'adapter rapidement aux besoins changeants de l'entreprise.
D'autre part, la sociocratie propose une structure moins rigide, basée sur l'égalité et le consentement. Au lieu de cercles prédéfinis, la sociocratie encourage la formation de cercles de décision basés sur des besoins ou des projets spécifiques. Ces cercles sont interconnectés et collaborent de manière fluide, garantissant que l'information et les ressources circulent librement entre eux. Le rôle des individus au sein de ces cercles est moins défini que dans l'holacratie, offrant davantage de flexibilité et encourageant une collaboration plus organique. Le consentement, comme mentionné précédemment, est au cœur du processus décisionnel, ce qui garantit une prise de décision équilibrée.
Bien que les deux systèmes cherchent à éliminer la bureaucratie et à promouvoir l'autonomie dans la prise de décision, l'holacratie mise sur une structure plus définie tandis que la sociocratie privilégie une approche plus organique et basée sur le consentement.
Avantages et inconvénients
L'holacratie et la sociocratie, malgré leurs nuances, partagent certains avantages inhérents aux structures horizontales. L'un des principaux avantages est la promotion de la responsabilité individuelle et collective. Dans ces modèles, les membres de l'équipe sont souvent plus investis et responsables, car ils participent activement à la prise de décision. Cela entraîne généralement une augmentation de l'engagement et de la motivation, car les individus se sentent valorisés et impliqués dans le succès global de l'organisation.
Cependant, avec ces avantages viennent aussi des défis. La mise en place de ces systèmes demande une transition qui peut être difficile pour ceux qui sont habitués à des structures organisationnelles plus traditionnelles. L'absence d'une hiérarchie claire peut, pour certains, entraîner une confusion quant aux responsabilités et aux attentes. De plus, la nécessité de parvenir à un consensus ou à un consentement peut parfois ralentir le processus décisionnel, ce qui peut être un inconvénient dans des situations nécessitant des décisions rapides.
L'holacratie, avec sa structure rigide, peut offrir une meilleure clarté des rôles, mais elle peut également être perçue comme trop prescriptive pour certains, limitant potentiellement l'innovation spontanée. D'un autre côté, la sociocratie, tout en favorisant une collaboration organique, pourrait poser des défis en termes de définition claire des responsabilités.
En fin de compte, bien que l'holacratie et la sociocratie offrent de nombreux avantages en matière de responsabilisation, d'engagement et de collaboration, elles nécessitent également une adaptation et une compréhension claires des dynamiques en jeu pour surmonter les défis qu'elles présentent.
L'holacratie et la sociocratie, malgré leurs nuances, partagent un objectif commun : rendre les organisations plus démocratiques, réactives et humaines. Le choix entre ces deux dépendra des besoins spécifiques de l'organisation, de sa culture et de sa vision pour l'avenir. Quel que soit le choix, ces systèmes soulignent l'importance de repenser les modes de fonctionnement traditionnels pour faire face aux défis du monde moderne.